Des pas au hasard [libre]

Tôt dans la matinée du 3 mars

Cela faisait plus d'une heure qu'elle errait dans ce dédale d'allées et de pierres. Perdue dans la brume matinale, elle ne savait même pas vraiment ce qu'elle faisait ici. Clock Clock. Ses chaussures à talons étaient bien peu discrètes, elle devrait en changer si elle ne voulait pas terroriser les citadins. Ils allaient certainement penser que l'endroit était hanté. D'ailleurs était-ce si loin de la vérité ? C'était une bonne question. Une de plus à rajouter dans la liste de celles qu'elle se posait depuis qu'elle avait compris qu'elle était invisible.

Elle se demandait des tas de choses et aucune documentation n'avait pu l'aider. Tout ce qui avait été réuni sur le sujet n'avait aucune valeur scientifique, ce n'étaient que ragots et racontars avec une pincée de supputation. Comment pourrait-elle savoir si elle était encore vivante ou si elle était devenue un fantôme ? Avait-elle des pouvoirs particuliers ? Et les autres disparus,étaient-ils eux aussi invisibles ? Pouvaient-ils la voir elle ? Pourrait-elle les voir eux ? Toutes ces questions se bousculaient dans sa tête. C'était à en devenir folle.

Elle continuait de marcher au gré des allées du cimetière. Toutes ces tombes ... Ces gens étaient-ils tous devenus invisibles ? Combien d'entre-exu étaient vraiment enterrés là ? Encore des questions sans réponse. Ce qu'elle pouvait détester ça ! Il fallait qu'elle étudie ce phénomène. C'était sans doute pour ça qu'elle était devenue invisible. Pour quelle autre raison cela avait-il pu arriver que pour lui donner l'occasion de produire une étude approfondie de la chose ?

C'est à ce moment-là qu'elle se retrouva devant ce qui avait probablement été son but depuis le départ en venant ici. Ce qu'elle avait devant-elle c'était une tombe. Une tombe de granit avec une dalle de marbre qui s'en érigeait et dont le haut avait été sculpté à l'image d'une madone. Sur cette dalle se trouvait, comme l'on pouvait s'y attendre, un nom ainsi que deux dates. Ce nom c'était le sien ... elle était devant sa propre tombe. Ses parents avaient du payer une fortune pour une telle tombe. Tout ça pour enterrer une boite vide ! Elle ne savait pas ce qu'elle devait en penser.

Elle s'assit là devant cette stèle funèbre qui devenait obsédante et l'écrasait de sa présence. Elle n'aurait su dire si c'étaient ses jambes qui avaient perdu toute force ou bien si l'air s'était soudainement mis à peser sur elle. A moins que ce ne fut cette dalle de marbre qui pesait sur elle de tout le poids de son implacable réalité. Ses parents l'avaient enterrée. Ils avaient décidé de la tuer plutôt que de se dire qu'elle pourrait revenir un jour. Un sanglot monta du fond de sa gorge, cherchant à crever la surface de sa bouche et à éclater à l'air libre comme une bulle de savon. Il finit par y parvenir et Marianna laissa libre cours à son chagrin, restant assise là au beau milieu d'une allée du cimetière, devant cette tombe où elle était censée reposer pour toujours.

Beaucoup de temps avait passé, probablement plusieurs heures. A vrai dire elle n'avait aucune idée de combien. La seule chose qu'elle savait c'est qu'elle avait l'estomac vide, les yeux bouffis et le corps trempé. Trempé ? Ha ben oui il pleuvait dans le ciel comme dans son coeur. On aurait dit que le ciel avait écouté son chagrin et adopté son humeur. De lourdes gouttes tombaient sur elle à un rythme régulier. Elles étaient comme autant de poignards dans son cœur. Elle n'avait jamais vraiment réfléchi à la question et ce n'était qu'à présent qu'elle se rendait compte que ses parents comptaient pour elle. Cruelle découverte que de comprendre cela au moment où l'on à disparu définitivement aux yeux de tous. Elle regarda à nouveau cette dalle de marbre. Morte et enterrée, voilà ce qu'elle était pour eux à présent ... Il n'y avait donc plus aucun espoir de retour. Plus rien à attendre de son ancienne vie.

Elle n'avait pas le choix, il fallait accepter son état et aller de l'avant. Oui mais vers quoi ? Tout le problème était là, elle n'avait aucune idée de ce qu'elle allait pouvoir faire maintenant. Elle se força à se ressaisir. Pleurnicher ne lui ressemblait pas. Non elle était celle qui trouvait une réponse à tous les problèmes ! Alors il fallait en trouver une à celui-là ! Elle réfléchit un moment en tentant de mettre de l'ordre dans ses pensées. Déjà elle savait qu'il devait y avoir d'autres personnes comme elle. Le mieux serait donc d'en trouver. Pour ça il fallait aller là où ces personnes pouvaient être ... Ha facile mais c'était où ça ? Elle réfléchit encore, essayant de se souvenir de quelque-chose. Mais rien ne vint.

Au bout d'un temps elle décida que le plus simple était encore d'aller fureter en ville pour trouver des indices. Elle se leva et fit trois pas avant de s'arrêter. Si elle voulait fureter elle n'arriverait pas à grand-chose avec des chaussures à talons ... côté discrétion on avait vu mieux. Elle retira donc ses beaux souliers même si ça lui fit un pincement au cœur. Étrangement marcher dehors avec rien d'autre aux pieds que ses collants trempés n'était pas si désagréable qu'elle l'aurait pensé. C'était même presque sensuel de sentir la pierre froide et humide sous ses pieds. Excitant en quelque-sorte, ça avait un parfum d'aventure. C'est donc le cœur plus léger qu'elle prit la direction de la ville, laissant ses souliers sur sa tombe, seul et dernier témoignage de son passage en ce lieu.