Bethanny Nollan

Justice est une fanatique de la pire espèce. Elle ne se soucie ni de ce que pensent ou ressentent les autres ni d'aucune sorte de loi. Pour elle seule compte sa religion. Oui la sienne ! Car elle n'a la foi qu'en ses propres croyances qui sont le résultat d'un curieux mélange entre des éléments de religions diverses et des expériences personnelles. Elle considère les humains normaux comme du bétail et les autres invisibles comme des inférieurs dont elle doit contrôler les débordements.

Pour Justice l'esprit domine le corps, un corps qui lui paraît faible et peu adapté à sa force spirituelle. Elle s'impose à elle-même des contraintes afin de s'endurcir et d'améliorer son enveloppe charnelle. Peu importe la saison elle ne porte que le strict minimum. Elle se livre chaque jour à plusieurs heures d'exercice physique et n'hésite pas à le faire dans des conditions extrêmes. Pour elle son corps n'est rien de plus qu'un outil qui se doit d'être le plus parfaitement entretenu possible.

Si Justice est devenue invisible c'est parce qu'elle l'a voulu. Elle s'est toujours sentie différente des autres humains et considère sa métamorphose comme un accomplissement personnel. Loin de regretter le contact des autres, elle se plaît dans la solitude et ne recherche pas à combler un quelconque vide. Si elle a des contacts avec les autres invisibles, aussi bien chimères que spectres, ce n'est que pour mieux les jauger et les surveiller.

Enfin il faut savoir que Justice affectionne les armes blanches. Si elle ne peut les cacher durant la journée, elle ne sera jamais aperçue la nuit sans une dague ou une épée dans un fourreau noir accrochée à la ceinture. Elle les manie avec dextérité et n'hésitera pas à en faire usage si elle estime que c'est nécessaire.

Justice est une femme assez jolie. Blonde comme les blés, des yeux qui furent bleus il y a longtemps, de taille moyenne et très sportive, elle dispose en outre de courbes tout-à-fait plaisantes et d'un visage empreint d'une beauté sereine et naturelle. Son corps qu'elle travaille sans relâche afin de le rendre plus efficace, elle ne le couvre qu'à peine avec un pagne de coton, seule matière qui soit aussi invisible qu'elle et une couronne de ronces qui ne semble pas la gèner malgré l'inconfort évident qu'elle représente.

Entre sa blondeur, son joli visage et son air toujours mi-apitoyé par le genre humain, mi-hautain elle a quelque-chose d'angélique. Même sa démarche souple et légère semble surnaturelle comme si elle glissait sur le sol plutôt que de marcher. Pourtant il ne faut pas se fier à cette allure angélique car elle est aussi très rapide et agile et son corps répond instantanément à sa pensée.

En dehors de son accoutrement plutôt excentrique, Justice arbore également un grand tatouage qui lui prend tout le dos. Il représente la déesse dont elle à pris le nom : la justice tenant dans ses mains l'alpha et l'omega, comme si elle pouvait peser toute chose et la trancher à l'aide de sa lame. Mains qui sont d'ailleurs placées sur les omoplates de Justice et les pieds de la déesse se perdent sur les reins de la femme..

Justice n'a jamais connu ses parents qui sont morts dans un accident de voiture alors qu'elle ne marchait pas encore. Elle n'a reçu d'eux que leur fortune et leur maison quelque-peu en retrait de la ville. Sa "famille" se compose donc d'un précepteur qu'elle a toujours haï et à qui elle à reproché de gérer l'héritage familial à sa place jusqu'au jour où elle a pu le renvoyer. De plus, Justice tient rigueur à ses parents d'avoir eu cet accident. Elle leur reproche ce qu'elle considère comme une conduite irresponsable envers leurs enfants. C'est de là que lui vient son aversion prononcée pour l'injustice et sa volonté de se faire le bras trancheur.

Justice n'a ni oncle ni tante et donc pas de cousin ou de cousine non plus. Elle a en revanche un grand-frère mais il a disparu depuis de nombreuses années et nul ne sait où il peut être. Aux yeux de Justice, son frère est mort. C'est pour cette raison qu'elle n'espère plus le retrouver dans le monde des vivants. Cependant elle est persuadée qu'en arrivant à conclure un pacte avec les morts elle arrivera à le retrouver.

Tout à commencé il y a 33 ans. Ce soir là Théophraste et Victoria Nollan sont sortis pour aller assister à une réunion mondaine. Formalité dont ils se seraient bien passés mais qui leur était imposée par leur qualité de bourgeois et le travail de Théophraste. En effet, il était un conseiller municipal et ne pouvait donc se permettre d'être absent à ce genre de réunions. Ce fut alors que le couple rentrait, fourbus, après une soirée qui n'en finissait plus, que le drame se produisit. Un poids-lourd grilla un feu rouge et vint encastrer la voiture des Nollan dans le mur d'enceinte de la maison voisine. Il fallut plusieurs heures aux pompiers armés de scies à métaux pour récupérer les corps sans vie des deux époux.

Ils laissaient derrière-eux un petit garçon âgé de 6 ans et une fillette tout juste âgé de 5 mois. Tous deux née dans la ville où leurs parents sont nés avant eux. Mais ils laissaient également derrière-eux une belle maison un peu en retrait de la ville et une fortune assez considérable. Suffisamment pour que les enfants soient placés sous la tutelle d'un précepteur. Un homme nommé Charles Bergman et qui avait toute la confiance des défunts parents. Il était d'une gentillesse sans limite et aima les enfants comme s'ils avaient été les siens. Malheureusement pour lui cet amour ne lui fut pas rendu. Le garçon, Sebastian, ne supporta pas l'idée de la mort de ses parents et sombra dans une dépression qui ne fit qu'empirer à mesure que le temps passait.

La fillette, Bethanny, fut moins choquée puisqu'elle était trop jeune pour comprendre. Durant les premières années de sa vie, elle fut une fillette à peu près normale. A cela près qu'elle n'avait que peu de contact avec d'autres enfants du fait que les leçons lui étaient dispensées à domicile par le précepteur. L'enfant était assez douée et apprenait rapidement. En dehors de ses études elle avait largement de quoi s'occuper dans la maison aussi ne sortait-elle quasiment jamais de l'enceinte du bâtiment. La seule compagnie réelle de la fillette était donc son frère avec qui elle était très complice malgré l'évidente souffrance du garçon. Souffrance qu'il transmettait à sa soeur sans même s'en rendre compte et sans qu'elle ne puisse la comprendre.

C'est vers l'âge de 8 ans que la petite commença à avoir ce que Charles prit pour des crises d'angoisses. Elle prétendait voir des fantômes et autres créatures dans le noir. Bien rapidement elle comprit que l'homme ne la prenait pas au sérieux et finit par ne plus en parler. Charles en conclut que les crises avaient cessé et n'y pensa plus. Mais en réalité la gamine continuait de voir ses fantômes. Elle était même de plus en plus à l'aise avec ces visions et finit par développer une passion pour l'occulte. Le seul à qui elle en parlait était son frère. Mais, s'il faisait mine de la croire, Sebastian prenait ces histoires pour une sorte de jeu, comme une réponse à l'ennui né de l'isolement. Les fantômes de sa soeur étaient comme des amis imaginaires aussi la laissa-t-il faire sans en parler à Charles. Bethanny se documenta de plus en plus et se mit à dévorer les livres les plus fous au grand dam de son pauvre précepteur qui tentait vainement de la ramener sur terre et ne parvennait qu'à s'attirer les foudres de la gamine.

Vers ses 12 ans elles commença à proprement haïr l'homme qui dévouait sa vie à l'éduquer. Elle savait à présent ce qu'il était arrivé à ses parents et en voulait à tout le monde. Elle en voulait à ses parents de l'avoir lâchement abandonnée. D'avoir pris le risque d'aller se faire tuer pour un stupide dîner avec un tas d'emmerdeurs. Elle leur en voulait d'être morts en laissant deux enfants livrés à eux-mêmes. Enfin pas tout-à-fait car les deux enfants avaient été remis entre les griffes d'un individu ignoble qui ne la comprenait pas et qui la privait de ce qu'elle voulait le plus. Elle reprochait aussi à ses parents d'avoir provoqué en mourant la dépression de son frère. Enfin elle en voulait à son précepteur pour le fait qu'il gère l'héritage de ses parents à sa place.

C'est aussi au cours de la douzième année de Bethanny que Sebastian finit par succomber à sa dépression. Il quitta la maison et ne revint plus. Nul ne le revit jamais après cela. Bethanny fut effondrée et se mit à haïr ses parents morts et son précepteur encore plus fort. Mais cette rage qui bouillonnait en elle était une rage silencieuse. Elle n'en parlait pas et ne parlait d'ailleurs quasiment jamais. Les seuls mots qu'elle prononçait étaient des invectives lancées à Charles pour lui demander d'arrêter de la chaperonner. Elle se laissa lentement sombrer dans une solitude qui eut raison de ce qu'il restait de sa santé mentale. La disparition de son frère avait signé le glas des seuls sentiments positifs qu'elle avait jamais éprouvés. Nul autre n'eut plus de place dans son coeur.

Elle ressentait au sujet de la gestion de son héritage un profond sentiment d'injustice. C'est ce sentiment d'injustice qui la poussa à haïr encore plus son précepteur et à se tourner plus profondément vers les sciences occultes mais aussi vers la religion. Pas vers une religion en particulier car elle les trouvait toutes trop égocentriques et mal fichues. Mais elle les étudia une après l'autre et retint un élément par et un autre par là. Elle commença alors à se bâtir sa propre religion, en y incluant ses croyances personnelles sur l'occulte qui lui venaient de ses expériences mystiques. Elle s'était aussi peu à peu convaincue que son frère devait être mort à présent. Elle était persuadée qu'il n'y avait que cela pour expliquer qu'il ne soit pas revenu la voir. Elle espérait donc trouver un moyen de conjurer des forces occultes afin de ramener son frère d'entre les morts.

Elle avait 17 ans quand elle commença à s'astreindre à un régime alimentaire très strict et à un entraînement physique intensif. Toutes les réprimandes de son précepteur ne réussirent qu'à la rendre plus butée et agressive encore. Charles n'avait plus aucun contrôle sur Bethanny et il savait très bien qu'elle ne l'aimait pas. Il ne se doutait cependant pas à quel point elle pouvait le détester. C'est pourquoi il fut étonné et blessé lorsque, le jour de ses 18 ans, Bethanny le renvoya pour de bon. Elle prit le contrôle de l'héritage familial et s'évertua à disparaître définitivement aux yeux du monde qui ne lui convenait pas. Elle considérait les vivants comme des êtres inférieurs et bien trop imbus d'eux-mêmes pour se rendre compte de la vanité de leurs existences. Elle les trouvait laids et repoussants. Et elle leur reprochait de vivre alors que son frère était mort.

Ce ne fut pas bien dur de disparaître. Elle n'avait jamais eu de vie sociale en dehors de ses rapports avec son frère et aussi, si l'on peut appeler cela ainsi, de ceux avec son précepteur. Une fois Charles parti, plus personne n'eut de nouvelle de ce qu'il se passait dans la maison des Nollan. Rapidement des rumeurs commencèrent à circuler. Des rumeurs que rien ne venait endiguer et qui étaient basées sur l'absence de faits. Lorsque les gens ne savent pas, ils inventent, et lorsqu'ils inventent, c'est bien pire que s'ils savaient. Bref, les histoires les plus folles se répandirent au sujet de la maison. Quand à la maison, eh bien, elle pourrissait sur place car Bethanny ne se souciait guère et ne voulait guère l'entretennir. Plus l'endroit aurait l'air délabré et hanté moins on viendrait l'ennuyer.

Pendant ce temps elle se donnait entièrement à son entraînement tant mental que physique. Elle apprenait des choses telles que les meilleurs moyens de chasser des démons et autres fantômes ou encore comment maîtriser ses chakras. Bref tout ce qui avait trait de près ou de loin à l'occulte et au spiritisme l'intéressait. Pour ne pas avoir à se mèler aux autres, elle faisait tout par internet de sorte que jamais personne ne la voyait. Et sa folie grandissait. Elle commençait à croire qu'elle devait avoir un but, une mission sur cette terre d'exil et de débauche. Elle ne savait pas quel était ce but mais elle se disait qu'il était tout proche et qu'elle finirait par le découvrir. Elle se mit à se soumettre elle-même à des supplices violents afin de transcender sa nature. Elle pensait qu'en amenant son corps dans ses extrêmes limites, elle finirait par libérer son esprit.

Elle ne sut jamais avec exactitude à quel moment elle avait changé mais elle finit par découvrir qu'elle était devenue invisible pour de bon. Cette découverte fut pour elle comme une révélation. Toutes ces années qu'elle avait passées à s'entraîner et à se torturer avaient du apporter leurs fruits. Elle était persuadée qu'elle avait atteint un état d'existence supérieur et qu'elle pourrait à présent partir à la recherche des forces occultes et, donc, de son frère. Elle ne tarda pas à découvrir qu'il y avait d'autres êtres comme elle. D'autres invisibles ayant tous la particularité d'avoir les yeux verts et brillant comme des feux de signalisation. Elle découvrit également que ces êtres se divisaient en trois catégories : les bons, les mauvais et les autres. Son aversion pour le désordre et l'injustice la firent arriver à une conclusion qui lui semblait évidente. Si elle était devenue comme eux, c'était pour pouvoir les surveiller et veiller à ce que ni les bons, ni les mauvais, ne puissent jamais troubler l'ordre du monde. C'était ça le but dont elle se sentait investie depuis si longtemps.

Telle serait donc sa mission : veiller à ce que jamais les chimères ou les spectres ne parviennent à se départager.